Article de LSA avec l’analyse de Dominique Desmons, Directeur de la création au pôle Retail & Architecture de l’agence.

La pandémie favorise les commerces tournés vers l’extérieur

DANIEL BICARD

Autant par impératif sanitaire que par compensation morale, les Français ont plébiscité les lieux de plein air pour échapper aux affres des confinements. Ce sont aussi les commerces fermés qui ont dû trouver des solutions de continuité à l’extérieur des malls. Des (r)évolutions peut-être plus durables qu’on ne croit…

«De l’air ! De l’air ! » C’est l’un des grands effets de la crise du Covid-19 que d’avoir converti les Français à un hygiénisme leur faisant préférer tous les espaces de déambulation ouverts et de plein air aux ambiances confinées. Les lieux de commerce ont d’autant moins échappé à la règle que fermetures et jauges de clients les désignaient – à rebours des conclusions de l’institut Pasteur – comme potentiels foyers de contagion. « La grande question est de savoir si, passée cette crise et les consignes de distanciation sociale, le comportement des Français s’en trouvera durablement changé, interroge Philippe de Taffin, président de Matador, agence de marketing et communication. Les professionnels du commerce devront-ils intégrer “à vie” certaines contraintes apparues avec la pandémie ? » Si celle-ci devrait enfin être résorbée en 2021, il semblerait que le naturel des chalands revienne au galop en même temps que les foules dans les lieux publics.

À défaut de voir se transformer définitivement les aménagements extérieurs, la perspective de nouveaux épisodes épidémiques – que n’excluent pas certains scientifiques – pourrait pourtant amener leurs concepteurs à les rendre « compatibles » avec de nouvelles alertes. « Au lieu de devoir intégralement fermer les espaces d’assise en extérieur, comme cela s’impose souvent aujourd’hui, on pourrait imaginer une solution intégrant des places rabattables, ce qui, en cas de nouvelles mesure de distanciation, sauvegarderait en partie l’usage de ce mobilier par les visiteurs », propose ainsi Dominique Desmons, directeur de création du pôle département retail de l’agence Lonsdale. Il serait ­aussi facile de concevoir des espaces dont l’ergonomie permettrait d’organiser des sens d’entrée et de sortie, de canalisation des flux.

Faute d’accès à l’intérieur de centres fermés, des espaces de mise à disposition des commandes faites en click & collect ont parfois été improvisés sur les parkings. Pourquoi ne pas conserver ces circuits « raccourcis », en installant, hors centre, une conciergerie ou des kiosques rassemblant toutes les commandes ou achats faits en galerie ou en ligne ? Certaines solutions ont même été préconçues avant la pandémie. « Dans notre nouveau centre Steel, à Saint-Étienne, pour éviter d’avoir des norias de scooters Deliveroo ou Uber Eats, nous avons créé un espace dédié centralisant toutes les commandes de nos restaurants, explique Guillaume Sadoux, directeur concept design et innovation d’Apsys. Dans notre projet Neyrpic, à l’entrée de Grenoble, le service sera même optimisé en mode B to B avec une digitalisation du parcours. »

C’est à l’ensemble des espaces extérieurs qu’il faut redonner des lettres de noblesse. « Ceux jusqu’ici “abandonnés” aux fumeurs ont été désertés sous contraintes de Covid, indique Dominique Desmons. Nous songeons avec ­Vinci à les revaloriser pour en faire des lieux aérés mais abrités, considérant un peu mieux leurs utilisateurs. » Mais plus les centres « s’extérioriseront », plus il faudra sécuriser ces extérieurs pour déjouer les actes terroristes visant les espaces publics. Une sécurisation qui doit se faire discrète. Comme on ne la voit pas dans le centre Steel d’Apsys, où des murs en béton anti-voitures béliers sont fondus en mobilier urbain et dans la végétalisation.

Mais les centres commerciaux n’ont pas ­attendu la pandémie pour s’extérioriser ! On peut même dire qu’ils n’en finissaient pas de se « déconfiner » depuis plus de cinquante ans ! D’abord « extravertis » vers la ville pour se défaire de leur modèle originel tenant le client captif. Puis privilégiant le ciel ouvert pour se faire plus écologiques et économes en énergie. Et voilà que les impératifs sanitaires révèlent une nouvelle prime aux modèles « open space ». Comme l’a illustré la résilience des centres de plein air, des outlets aux boutiques disséminées, et même des centres-villes urbains durant la pandémie.

« Nos sites étaient ”covido-compatibles” avant l’heure, souligne Guillaume Sadoux (Apsys). Sur neuf centres en France, six sont ouverts, trois étant des retail parks. Et même dans les autres, tels que Les Rives de l’Orne, à Caen, L’Heure tranquille, à Tours, ou Ruban bleu, à Saint-Nazaire, et plus récemment Muse, à Metz, nous avons développé des espaces extérieurs bien au-dessus des normes de 8 mètres de large, avec des allées élargies sur 12 à 16 mètres. Elles atteindront même les 20 mètres dans notre projet Neyrpic, à l’entrée de Grenoble, et dans le futur ensemble Bordeaux Saint-Jean organisé autour d’un méridien de 600 mètres de long qui intégrera une forêt urbaine en pleine terre. » L’agence Lonsdale parle de « faire déborder le centre commercial » sur ses extérieurs ! Cette ouverture peut être une simple percée visuelle attirant le chaland. Ainsi Lonsdale cite le grand balcon au deuxième étage du centre Polygone de Montpellier qui donne à voir les terrasses végétalisées de l’espace restauration, depuis le parvis.

On songe même à « retourner » – telles des facettes de Rubik’s Cube – des boutiques jusqu’ici ­ouvertes sur la galerie intérieure du centre pour les « faire regarder » au dehors. Comme une redécouverte des bons vieux commerces de pied d’immeuble ! Mais aussi une consécration de la prime acquise par les boutiques ouvertes sur rues, seules échappant à la fermeture imposée à tous les autres magasins des centres de plus de 20 000 m². Comme c’était notamment le cas avec le centre Beaugrenelle, à Paris, dont les boutiques donnant sur la rue Linois sont restées accessibles, contrairement aux galeries. Au pied du BHV Marais, à Paris, ces ouvertures de commerces sur rue sont d’ailleurs à l’étude pour accroître la commercialité de l’ensemble marchand que développe, à l’échelle d’un quartier, le groupe Galeries Lafayette avec Eataly et la fondation Lafayette Anticipations.

« Le supermarché autant que les centres commerciaux ont été pensés comme des ”boîtes” imbriquées, car conçus pour répondre aux impératifs de logistique et de gestion des énergies de la grande distribution, affirme Olivier Saguez, fondateur de l’agence Saguez & Partners. Des espaces formatés qui sont l’inverse du “vivre dehors” qui fait partie de nos instincts humains ! » Aussi, « mieux qu’un site connecté sur la ville, il faut que le centre commercial “devienne” la rue, énonce Yann Mignot, directeur de création associé de l’agence Saguez & Partners. Car la rue, c’est l’air, le soleil, les saisons, c’est précisément la vie ! » Et de citer l’avant-gardiste Bercy Village à Paris, le cheminant village de marques La Vallée Village, à l’est de la capitale, ou le centre de La Maquinista, à Barcelone, comme exemples. En attendant le projet de rénovation de la gare du Nord, « qui y fera entrer le ciel ». « Plus de quartiers séparant ­bureaux, commerces et logements, plus de centres de shopping autocentrés, mais des lieux vivants qui se mixent pour mieux mélanger les usages et les gens, continue Olivier Saguez. Et cette mixité, les promoteurs ne peuvent la concevoir seuls, mais avec la ville et son maire. Bref, il faut agir pour l’intérêt du citoyen prioritairement à celui du consommateur, inventer des lieux aussi “bienveillants” que “serviciels”. »

Finalement, « l’enseignement qu’a, en partie, révélé la pandémie, c’est qu’intérieurs ou extérieurs, on a besoin de retrouver les lieux supports de vie jouant un rôle sociétal essentiel, que ne satisfont pas les solutions virtuelles, conclut le président de Matador, Philippe de Taffin. Des lieux vis-à-vis desquels on ne cesse d’étendre les exigences pour qu’ils soient à la fois multifonctionnels, au service de la proximité, mais également pôles de destination, sécurisés, connectés, écologiques… Comme nous le revendiquons, le lieu, c’est le lien ».

Illustration issue de notre livre blanc « Reinvent : 5 clés pour transformer les contraintes liées à la crise en opportunités pérennes » disponible en téléchargement ici : https://bit.ly/3tuM3fA

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