Alors que le bio a connu un développement exponentiel ces dernières années, des premiers signes de déclin, particulièrement sur les produits frais, nous amènent à questionner la stratégie bio à moyen et long terme des marques produits, et à repenser leur modèle.

Tribune publiée sur thegood.fr

Uniquement adressée à ses débuts à une population militante ou aisée, l’agriculture bio s’est largement démocratisée ces dix dernières années, avec des ventes multipliées par quatre de 2010 à 2020. Cette évolution s’explique principalement par l’essor du bio en GMS, sortant des seuls circuits spécialisés. Les marques nationales, mais aussi les MDD, se sont emparées du bio en se distinguant des acteurs historiques par des promesses plus simples, des territoires attractifs, et des prix plus accessibles.

Mais le bio ainsi positionné au cœur de toutes les attentions ces dernières années doit pourtant faire face à des signaux d’alerte, avec en 2021 une baisse des ventes en valeur de 3,1% (*). Si cette mécanique peut être perçue comme le contrecoup des résultats exceptionnels de 2020, elle révèle aussi d’autres questions de fond, autrement plus préoccupantes, et qui ne se limitent pas à la question du seul pouvoir d’achat.

En premier lieu, alors que l’agriculture bio était à son origine indissociable d’un mode de pensée éthique et écologique (ce que les connaisseurs appellent « LA bio »), l’industrie agroalimentaire du bio (appelée plus communément « LE bio ») s’est, elle, peu à peu éloignée de ces valeurs d’origine. Bio importé, bio sous plastique, prix élevés servant des logiques de profit sont perçus comme autant d’incohérences avec la philosophie originelle du bio. La « massification » du bio s’est faite à ce prix, et génère à présent du scepticisme auprès des consommateurs eux-mêmes, convaincus de la première heure ou récents convertis.

BIO IMPORTÉ, BIO SOUS PLASTIQUE, PRIX ÉLEVÉS SERVANT DES LOGIQUES DE PROFIT SONT PERÇUS COMME AUTANT D’INCOHÉRENCES AVEC LA PHILOSOPHIE ORIGINELLE DU BIO.

En second lieu, les marques dites « conventionnelles » (non-bio) ont gagné en attractivité et en pertinence, avec de nouvelles allégations de santé ou d’origine proposant des alternatives sérieuses face au bio. Offres locales et à taille humaine, circuits courts, réduction des déchets, juste rémunération des producteurs : autant d’engagements, souvent cautionnés par des labels, qui répondent aux nouvelles attentes des consommateurs. En 2022, vaut-il mieux consommer bio sous plastique et importé, ou non bio en vrac et en circuit court ? Le bio n’est désormais plus la seule porte d’entrée vers le « mieux manger, mieux consommer ».

Ainsi, alors que « LE bio » et « LA bio » ont un temps coexisté de manière hermétique avec des typologies d’acheteurs et des circuits de distribution distincts, ces différences tendent à se réduire. Le bio ne suffit plus, et les consommateurs veulent tout : des marques bio et militantes, capables non seulement de contenter leur palais, mais également de prouver leur engagement en matière d’éthique et d’environnement. Ces consommateurs sont d’autant plus impitoyables qu’ils sont de plus en plus éduqués, mixent les circuits de distribution, et ont de plus en plus facilement accès aux informations.

En réponse à ces bouleversements, les marques nationales tentent de construire des propositions bio mieux-disantes, assorties d’engagements forts, mais elles se retrouvent confrontées à plusieurs écueils :

  • Certaines multiplient les promesses et les allégations sur les packagings de manière défensive, sans hiérarchie, ni cohérence globale. Il devient alors difficile pour les consommateurs de s’y retrouver dans la multiplication des labels autour des sujets de qualité, de provenance, d’apport nutritionnel, d’intégrité socio-environnementale…
  • D’autres pratiquent le storytelling à outrance et surinvestissent un discours d’engagement auto-performatif, mais sans cohérence avec la réalité de leur modèle de production et de gouvernance. Au risque de perdre le consommateur s’ajoute alors le risque d’être accusé de greenwashing.

A une époque où la confiance est devenue la valeur ultime pour construire de l’attachement aux marques, et où la marque se doit d’être alignée avec ses valeurs et ses promesses, de telles actions semblent bien déraisonnables.

Ainsi, les marques ne doivent pas seulement s’engager dans une démarche de réassurance et de conviction sur le bio, mais construire des offres bio globalement vertueuses et durables. Cette démarche doit être menée de manière transparente, en adéquation avec une réflexion sur les modes de production, pour construire de la valeur confiance sur le long terme. A ce titre, les marques n’étant pas des pure players du bio sont davantage challengées. Elles doivent être particulièrement vigilantes à l’articulation de leurs engagements entre gammes bio et gammes conventionnelles pour éviter tout risque de dissonance.

Pour ce faire, le design circulaire peut être un formidable outil d’accompagnement en amont du branding. Il permet de révéler les atouts d’une marque tout au long de sa chaîne de valeur et de l’aider à mettre en conformité son discours et ses actes, pour aligner l’expérience de marque. En s’affranchissant des silos traditionnels de l’entreprise, les marques radiographient l’ensemble de leur modèle de production et peuvent ainsi ériger au rang de promesse une caractéristique vertueuse de leur modèle de production, que ce soit en matière de sourcing, de coopération, de distribution ou de recyclage.

Quid de valoriser son implantation en France et son soutien aux filières françaises ? C’est le cas de la marque La Boulangère qui a fait évoluer ses packagings avec la présence du logo Agri-Éthique France.

Quid de valoriser ses pratiques d’écoconception et sa maîtrise de la chaîne de valeur ? C’est le cas d’une marque pure player comme Aline et Olivier qui prône son engagement sur ses packagings.

Quid encore de valoriser son engagement historique ? Bjorg affiche ainsi son statut de pionnier du bio mais également de pionnier du végétal.

Fort de ces réflexions sans compromis, le branding permet en relais de construire des territoires attractifs et émotionnels, propres à singulariser la marque sur le territoire d’engagement qui lui ressemble ! Il s’agit en effet d’identifier une thématique d’engagement qui fait écho à l’ADN de la marque pour gagner en crédibilité, impact et adhésion. Ainsi Jardin Bio, devenue Jardin Bio Etic, valorise son ancrage éthique historique et son engagement vers plus de responsabilité sociale. En 2020, 5 % des bénéfices nets de la marque ont été alloués au développement des filières bio et équitables.

Si « le bio » a bien permis d’éduquer le consommateur sur ce qu’il consomme, force est de constater que « la bio » a encore de belles années devant elle pour continuer à rendre notre regard plus exigeant sur ce que nous achetons.

Marina Mariani, Directrice de Projets Innovation, Lonsdale & Marc-André Allard, Associé, Directeur de l’Innovation, Lonsdale

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