Le gouvernement s’est emparé récemment du sujet des zones commerciales, cette « France moche » dont les ronds-points avaient été occupés par les Gilets jaunes, manifestant symboliquement le mal-être des territoires périphériques. Développées de façon souvent anarchique à la fin du siècle dernier, elles avaient répondu en leur temps à une double logique d’étalement urbain et de forte croissance de la consommation. Qu’en est-il aujourd’hui ? Par Frédéric Messian, Lonsdale Design.
Ces zones – on en dénombre en France plus de 1 500 – ont vieilli et ne correspondent évidemment plus aux impératifs de la nécessaire transition écologique. Passoires thermiques faites de simples bardages métalliques, n’étant souvent accessibles qu’en voiture, elles enlaidissent nos entrées de villes et répondent de moins en moins aux aspirations d’un consommateur de plus en plus conscient des enjeux environnementaux. Selon les propos de la ministre Olivia Grégoire : « Dans un monde qui prend conscience de ses limites, la zone commerciale a atteint les siennes ! »
D’après un récent sondage réalisé par OpinionWay, deux consommateurs sur trois déclarent que le critère de la RSE est important ou déterminant dans le choix de leurs lieux de consommation. Un consommateur sur deux considère l’architecture et le design comme des critères également significatifs. Les jeunes générations s’y montrent encore plus sensibles.
Dès lors, la question se pose de la restructuration/rénovation de ces équipements commerciaux obsolètes de façon à les rendre vertueux, tant d’un point de vue écologique qu’esthétique. L’équation n’est pas simple à résoudre pour plusieurs raisons : multipropriété, complexités administratives, coût financier… Et pourtant, alors que la non-artificialisation des sols est devenue un impératif, ces « bidonvilles » commerciaux avec leurs immenses parkings en surface constituent une opportunité foncière exceptionnelle pour faire de la couture urbaine, créer de véritables nouveaux quartiers de vie et de ville, pratiquer un aménagement territorial vertueux.
Plusieurs opérateurs privés disposent de l’expertise indispensable en la matière et ont commencé à montrer leur capacité à recycler de vieux sites marchands. Cette transformation peut s’accélérer si l’État, comme il en a manifesté l’intention, y met les moyens réglementaires et financiers. Le projet de loi Industrie verte soumis par le gouvernement aux votes des deux assemblées comporte un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens : procédure accélérée dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme, transfert des droits commerciaux, dérogation possible aux règles du PLU. Il reste à espérer que députés et sénateurs se mettront d’accord pour qu’elle soit définitivement votée et que ses décrets d’application paraissent rapidement.
Offrir à nos concitoyens des lieux de commerce rénovés, c’est répondre à un impératif écologique et à une amélioration de leur qualité de vie. C’est aussi dynamiser l’activité économique des commerçants et la valeur des actifs immobiliers qui les abritent. Comme le disait le designer américain d’origine française Raymond Loewy : « La laideur se vend mal ! »